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4 août 2022

Ours brun sur l’estive du col d’Escots à Ustou : le tribunal suspend l’exécution de l’arrêté du 22 juin 2022 de la préfète de l’Ariège

Ours brun sur l’estive du col d’Escots à Ustou : le tribunal suspend l’exécution de l’arrêté du 22 juin 2022 de la préfète de l’Ariège autorisant la mise en œuvre de mesures d’effarouchement sur l’estive du groupement pastoral d’Ustou Col d’Escots pour prévenir les dommages aux troupeaux.

Le juge des référés fait droit aux conclusions de l’association One voice aux fins de suspension d’un arrêté du 22 juin 2022 par lequel la préfète de l’Ariège a autorisé, à la demande du groupement pastoral d’Ustou Col d’Escots, l’effarouchement simple et l’effarouchement par tirs non létaux d’ours brun (Ursus arctos) sur l’estive du col d’Escots à Ustou pour prévenir les dommages aux troupeaux durant la saison d’estive 2022.

 

Alors que l’ours était présent sur la quasi-totalité du territoire métropolitain jusqu’au début du XIXème siècle, sa population a été significativement réduite sous l’effet conjugué de l’urbanisation, de la chasse et de la destruction de son habitat. L’effectif de l’espèce en France comptait encore environ 150 individus au début du XXème siècle. Il ne subsistait plus que 7 ou 8 individus dans les années 1980, cantonnés dans le massif des Pyrénées. En dépit du régime de protection institué en 1981 et des réintroductions en provenance de Slovénie effectuées depuis 1996, l’état de conservation de l’espèce n’a pas retrouvé un caractère favorable au sens de l’article 1er de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992. L’effectif recensé en 2021 avoisine 70 individus mais selon divers avis scientifiques, les perspectives restent défavorables, le seuil minimal de viabilité de l’espèce étant estimé à 110 individus, et l’ours est en conséquence classé « en danger critique d’extinction ». Espèce protégée par différents textes européens et nationaux, l’ours est présent sur un territoire qui est également utilisé pour le pastoralisme. Et bien que cet animal soit omnivore et que son régime alimentaire soit à 80% composé de végétaux, il lui est également imputé une prédation d’ovins en estive. C’est dans ce contexte qu’est intervenu l’arrêté contesté du 22 juin 2022 de la préfète de l’Ariège.

 

Saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut suspendre l’exécution d’une décision administrative lorsque l’urgence le justifie et qu’existe un doute sérieux sur sa légalité.

 

Pour retenir que la condition tenant à l’urgence était satisfaite, le juge des référés a notamment estimé que le risque que la mise en œuvre des mesures d’effarouchement ait pour conséquence de repousser l’ours de l’estive d’Ustou, qui est une composante de son habitat naturel, - et donc de l’évincer d’une partie de son aire de répartition naturelle n’est pas nul - et que des tirs d’effarouchement ont d’ores et déjà été réalisés sur cette estive en date du 25 juillet 2022. Le juge a pris en considération, dans la balance des intérêts en présence, l’invocation par la préfète du stress et de la souffrance psychologique vécus par les éleveurs et les bergers en estive confrontés à la prédation de l’ours, mais a toutefois considéré que les enjeux tenant à la préservation de l’espèce imposent de prioriser sensiblement les mesures nécessaires à cette conservation, quand bien même les atteintes à l’espèce peuvent apparaître peu significatives.

 

Puis au vu des pièces produites devant lui et en tenant compte des précisions apportées par les parties lors de l’audience, le juge des référés a observé que le groupement pastoral d’Ustou Col d’Escots, s’il a bien mis en place les mesures de protection du troupeau tel qu’un gardiennage par deux bergères et le rassemblement nocturne des bêtes dans un parc électrifié, il ne s’est pas équipé de chiens de protection, mesure qui apparaît pourtant la plus adaptée. Le juge a expressément écarté l’argument de la préfète tenant à ce que la présence de chiens de protection risque de provoquer des conflits avec les « autres usagers de la montagne (présence de VTT électrique, chiens non tenus en laisse, personne méconnaissant la tenue à avoir à proximité d'un troupeau...) », en relevant que l’association la Pastorale Pyrénéenne propose, en application du Plan d’action ours brun 2018-2028, un appui technique aux éleveurs et aux bergers afin d’adapter au mieux les chiens au troupeau et aux différents usages de la montagne comme la présence de randonneurs ou autres touristes et que des signalétiques permettent d’informer les touristes de la présence de troupeaux et de chiens de protection afin de les alerter sur le comportement à adopter en conséquence. Le juge a alors estimé que le moyen tiré de la méconnaissance, par l’arrêté contesté, des dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, qui soumet la délivrance par l’administration de dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, notamment par « perturbation intentionnelle », à la condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, apparaît de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité.

 

Le juge des référés a également constaté que l’administration ne démontrait pas, en invoquant des pertes sur troupeaux de l’ordre de moins de 2%, et en l’absence de données précises permettant de quantifier cette proportion sur la zone de prédation dans laquelle se situe l’estive en cause, que les dommages occasionnés par l’ours étaient « importants » au sens et pour l’application des dispositions du b) du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, qui constitue une autre condition à la délivrance de dérogations à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées.

 

La formation collégiale du tribunal administratif de Toulouse qui reste saisie de la demande d’annulation de l’arrêté du 22 juin 2022 examinera au fond sa légalité.

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> Télécharger le communiqué de presse

Contact presse : communication.ta-toulouse@juradm.fr

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